Le récent blocage de la publicité par l’opérateur français Free a fait couler beaucoup “d’encre numérique” ces derniers temps.

Petit retour sur les faits … Le dernier 2 janvier, Free publiait une mise à jour pour ses Freebox, la version 1.1.9, dans ses notes de version, l’on peut voir apparaître “l’ajout d’une option adblocker permettant de bloquer des publicités” [1]. En soit le consommateur devrait être heureux, car cela lui permettra de ne plus voir toutes ces publicités sur les sites qu’il consulte, et donc améliorer sa qualité de navigation. Mais est-ce si bien que cela ? C’est ce que nous allons voir.

Dans un très bon article [2] technique, Stéphane Bortzmeyer tente de nous expliquer comment se passe le “filtrage”. Sur Internet, chaque site internet possède son adresse “nominale” (par exemple : gruene.ch), derrière cette dernière se cache une adresse IP (par exemple: 212.103.75.246). Pour faire le lien entre ces deux adresses, nous avons besoin d’un résolveur de noms (DNS : Domain Name System). D’après les tests effectués par M. Bortzmeyer, il résultait que lorsqu’un client du fournisseur Free tentait d’accéder au nom de domaine “doubleclick.net” (régie publicitaire détenue par Google), celui-ci était redirigé par les serveurs DNS de Free vers un serveur de fichiers vide.

Alors, est-ce une atteinte à la neutralité du réseau ? La réponse est : oui et non. Comme l’explique Benjamin Bayart dans son article à ce sujet [3], c’est une mesure qui porte atteinte aux libertés de l’utilisateur, car même si dans ce cas il s’agit de bloquer des publicités cela pourrait être bien pire. Mais ce blocage reste tout de même limité à : 1. les abonnés possédant une Freebox, et 2. les abonnés qui n’ont pas désactivé l’option dans la configuration de leurs Freebox. L’impact technique est, dirons-nous, “limité”.

Cependant, d’après le site internet “RespectMyNet”, les cas de blocage / filtrage se font de plus en plus courants au sein des fournisseurs d’accès internet. Que ce soit pour des raisons économiques (faire payer des “options” au consommateur en lieu et place d’un abonnement où tout est disponible), ou alors que ce soit à cause de pressions extérieures (industrie de l’audiovisuel qui met la pression sur le FAI pour bloquer certains sites de partage de fichiers), ou pour tout autre raison, c’est une atteinte grave à la neutralité du réseau et aux libertés du consommateur.

Alors même que l’office des régulateurs européens des communications électroniques (BEREC) tirait la sonnette d’alarme en 2012 [4], d’autres pays tels que le Pérou, le Chili, les Pays-Bas ou encore la Slovénie, faisaient entrer dans leurs législation le principe de neutralité du net.

Alors je m’adresse à vous, Suisses et Suisses, soucieuses et soucieux de vos libertés et de celle des autres. Le 14 décembre dernier, le conseiller national Balthasar Glaëttli et consorts faisaient un pas en ce sens (en déposant la motion 12.4212 [5]) afin d’inscrire la neutralité du net dans la loi, lors de la révision de la loi sur les télécommunications. Neutralité du Net : il est temps d’agir !


  1. http://dev.freebox.fr/blog/?p=1123
  2. http://www.bortzmeyer.org/free-adgate.html
  3. http://blog.fdn.fr/?post/2013/01/03/Free-porte-t-il-atteinte-a-la-neutralite-du-Net-en-filtrant-la-publicite
  4. http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-12-389_en.htm
  5. http://www.parlament.ch/d/suche/seiten/geschaefte.aspx?gesch_id=20124212